Être dans la rue, le nouveau spectacle du danseur et chorégraphe Farid'O, sera présenté le 27 octobre à Mantes-la-Jolie et le 4 novembre à Chelles, en plein air dans le cadre des Rencontres. Une démarche volontaire pour Farid'O, qui souhaite aller "aux devants des gens" et "soulever certaines questions par rapport au vécu dans les banlieues".
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ENTRETIEN AVEC FARID’O
Ta dernière création se joue en extérieur. Pour les Rencontres, tu la présentes au coeur du Val Fourré à Mantes-la-Jolie et sur le parvis du Théâtre de Chelles en Seine-et-Marne. En considérant aussi bien ta démarche personnelle que l’évolution de la danse hip hop, quel sens à pour toi ce retour à la rue ?
C’est vrai que quand on regarde l’évolution de la danse hip hop, ce spectacle pourrait être perçu comme un retour aux sources parce que c’est là, dans la rue, que le hip hop est né. Mais « être dans la rue » comme à Mantes-la-Jolie, c’était tout d’abord l’envie de partir à la rencontre d’un public C’est un peu l’idée du théâtre populaire si je puis dire, aller à la rencontre, aux devants des gens. La danse hip hop jouit aujourd’hui d’une certaine reconnaissance culturelle et des spectacles se jouent de plus en plus dans des scènes nationales mais ces lieux atteignent difficilement certains publics. Avec Etre dans la rue, je voulais soulever certaines questions par rapport au vécu dans les banlieues et que ces questions résonnent chez les jeunes et moins jeunes qui vivent dans les quartiers. Je crois que c’est là que le spectacle à toute sa place, dans ces lieux du quotidien.
Par rapport à ma démarche personnelle, c’est vrai que j’ai d’abord connu la danse dans la rue. Petit à petit j’en suis venu à me professionnaliser et aujourd’hui mon travail s’inscrit dans le cadre de la compagnie Farid’O. Mais la danse, c’est dans la rue que je l’ai d’abord pratiquée : les maisons de quartier, les MJC, les centres sociaux, les terrains de sports… toutes les infrastructures sociales où l’on t’accepte quand tu fais du hip hop. C’est vrai qu’en cela, être dans la rue a du sens pour moi.
Peux-tu nous parler des évènements, des rencontres, des lectures, etc… qui sont à l’origine de ce projet ?
Les évènements d’octobre dans les banlieues ont bien sûr beaucoup joué. J’ai été touché par l’image de la banlieue qui se soulève et par l’image de ces jeunes qui manifestaient leur rage. Durant cette période mouvementée, les brésiliens de Membros jouaient leur spectacle dans le cadre du festival hors les murs [Rencontres 2005 à Limoges, Nancy et Créteil]. C’était joué dans une banlieue en bas d’une tour HLM [Quartier du Haut du Lièvre à Nancy]. Ça m’a beaucoup touché. A travers la danse, c’était quelque chose de très politique, de très dur qui passait, notamment dans cette relation au sol qu’ils avaient, mais il y avait également un côté très social : les gens du quartier se mettaient aux fenêtres, aux balcons, d’autres passaient, certains s’arrêtaient. Les gens étaient captivés, ça dégageait également quelque chose de très poétique malgré cette dureté.
J’avais envie de parler de cette révolte dans les banlieues. Quand on fait du hip hop et qu’on vient d’un de ces quartiers, c’est difficile de rester muet… mais ce n’est pas évident. Il y a beaucoup de tabous, de non-dits et tout cela, c’est violent parce que la violence, ça se dit pas, ça se vit. J’ai alors lu Pays de malheur [de Stéphane Beaud et Younes Amrani] ; ce livre a beaucoup inspiré ce spectacle, les mots me semblaient tellement juste que j’ai voulu les dire dans ce spectacle. C’est une sorte de mise à nu : mettre des mots à des ressentis, c’est important et tellement rare.
Depuis la création de ce spectacle l’été dernier, quelles ont été les réactions des spectateurs ? Est-ce que ton rapport au public a été transformé ?
Le spectacle est récent, on l’a pour l’instant joué dans des contextes particuliers de festivals de rue ; ce sont les prochaines représentations qui vont être intéressantes, notamment à Mantes-la-Jolie. Dans ce genre de spectacle, tu ne sais pas exactement ce que ressent le public : il peut se barrer, revenir, rester, être accroché… les gens peuvent être plus touchés par les mots ou au contraire par la danse. L’important, c’est que ça ne laisse pas indifférent.
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